LA FAUTE ENGAGEANT LA RESPONSABILITÉ EN MATIÈRE SPORTIVE

03/03/2023
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La faute engageant la responsabilité :

 

« Tout fait quelconque de l’Homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » (art. 1240 du code civil).

Au sens le plus large du mot, la responsabilité civile est l’obligation, mise par la loi à la charge d’une personne, de réparer le dommage subi par une autre.

Pour engager la responsabilité civile d’autrui, il convient de démontrer une faute, un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

La loi ne définit pas ce qu’est une faute. Mais la doctrine, à la lueur de la jurisprudence, définit la faute comme le fait de ne pas adopter le comportement d’une personne raisonnable placée dans la même situation. La faute est appréciée de manière objective par rapport à ce modèle de référence autrefois appelé « le bon père de famille ». 

 

L’appréciation de la faute en matière sportive :

 

Cependant, en matière sportive, la jurisprudence va élever le seuil de gravité du comportement pour apprécier la faute et la caractériser. 

Ainsi, en matière sportive, pour engager la responsabilité civile d’autrui qui a causé un dommage, il faudra déterminer une violation des règles de jeu (cour.cass., 2ème civ., 23 sept. 2004, n°03-11.274). La caractérisation de la violation des règles de jeu est laissée à la libre appréciation des juges et ce indépendamment de la décision prise par l’arbitre lors du match (cour.cass., 2ème civ., 10 juin 2004). 

En plus de la caractérisation d’une violation des règles de jeu, pour engager la responsabilité civile de celui qui a occasionné un dommage et obtenir réparation, les tribunaux vont faire application de la théorie de l’acceptation des risques

En effet, lorsqu’un individu participe à un sport, il est présumé accepter les risques normaux liés à l’exercice d’un tel sport, de sorte que si il subit un dommage « normal », il ne pourra pas engager la responsabilité civile de l’auteur du dommage. Par exemple, en boxe lorsqu’un participant frappe un adversaire au visage et lui casse le nez, il s’agit d’un risque normal lié à la pratique de ce sport de telle sorte que la responsabilité de l’auteur du coup de poing ne pourra pas être engagée, alors que si un tel coup de poing était porté par un joueur de football à l’encontre d’un adversaire, alors la responsabilité de l’auteur du coup de poing pourra être engagée pour demander la réparation du préjudice corporel (nez cassé), considérant qu’il s’agit là d’un risque anormal du sport en question caractérisée par une violence, une brutalité ou une force disproportionnée.

Le geste habituel ainsi accompli dans le contexte de la discipline concernée ne rentre donc pas dans le cadre de la faute entraînant la responsabilité. La Cour de cassation, par exemple, a écarté la responsabilité d’un moniteur de karaté ayant blessé son élève lors d’un entraînement, rappelant que si la pratique de ce sport exige une certaine maîtrise de soi consistant dans le fait de ne pas donner de coup à son adversaire, l’existence de contacts ne peut cependant pas être exclue et n’est pas nécessairement fautive (cour.cass., 1ère civ. 16 novembre 2004).

 

La responsabilité du fait des choses que l’on a sous sa garde en matière sportive :

 

Aux termes de l’article 1242 du code civil, celui qui crée un dommage du fait de la chose qu’il a sous sa garde (avoir l’usage, le contrôle et la direction), engage sa responsabilité civile. Ainsi, un joueur de football qui créerait un dommage avec le ballon qu’il utilise, contrôle et dirige, ou un joueur de hockey avec le palet, engagerait sa responsabilité civile ouvrant droit à indemnisation de la victime. 

A l’occasion d’un match de hockey sur glace entre Brest et Mulhouse, un spectateur a été blessé au visage par le palet envoyé directement depuis la zone de jeu. La Cour d’appel de Colmar, par un arrêt du 15 mai 2009, a déclaré les deux clubs responsables : l’un en sa qualité de responsable du fait d’un de ses joueurs et l’autre en sa qualité de responsable de l’organisation de la rencontre et de la sécurité des spectateurs. 

Un pourvoi en cassation a été formé contre cette décision et la haute juridiction a rappelé que la responsabilité d’une association sportive vis-à-vis de spectateurs blessés au visage par un palet envoyé depuis la zone de jeu lors d’une rencontre de championnat de France de hockey sur glace ne pouvait être engagée qu’à condition de relever l’existence d’une faute caractérisée par une violation des règles du jeu de hockey sur glace, commise par un ou plusieurs joueurs, même non identifiés, membres de l’association, et que dès lors, en l’espèce, à défaut de caractérisation d’une violation d’une règle de jeu, la responsabilité des clubs ne pouvaient être retenue pour indemniser la victime (cour.cass., 2ème civ., 16 septembre 2010, n°09-16.843).

Depuis, la Loi du 12 mars 2012 tendant à faciliter l’organisation des manifestations sportives et culturelles a introduit un nouvel article L.321-3-1 dans le code du sport en vertu duquel les pratiquants sportifs ne pourront désormais plus être tenus pour responsables des dommages matériels qu’ils causent à un autre pratiquant du fait d’une chose qu’ils ont sous leur garde, au sens de l’article 1242 du Code civil.

En revanche, celui qui cause un dommage corporel à autrui du fait de la chose qu’il a sous sa garde lors d’une compétition sportive, pourra voir sa responsabilité civile engagée pour indemniser la victime.