PROPOS DIFFAMATOIRES DANS UNE CORRESPONDANCE PERSONNELLE ET PRIVÉE

05/05/2022
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Un docteur en psychologie clinique et psychanalyste, co-fondateur avec un collègue de la « Fondation européenne pour la psychanalyse », a assigné ce dernier devant le tribunal correctionnel, lui reprochant d’avoir envoyé un courriel comportant des propos diffamatoires à son encontre dans le cadre d’échanges entre les représentants de plusieurs associations françaises de psychanalyse. Son collègue l’accusait de ne « pas avoir payé les cotisations de la Fondation pendant trois années consécutives. », d’avoir « détourné cet argent pour se payer une secrétaire » et d’être un « escroc ».

Le tribunal a relaxé l’auteur des propos, retenant que le mail en cause comportait certes des termes excessifs et désagréables, mais revêtait les formes d’une correspondance personnelle et privée, et n’a perdu son caractère confidentiel que par le fait d’un de ses destinataires.

Le requérant a interjeté appel.

  • Sur la publicité des propos :

La cour d’appel a rappelé que la diffusion d’un écrit n’est publique que si les destinataires de cet écrit sont étrangers à un groupement de personnes liées entre elles par une communauté d’intérêts.

En l’espèce, le courriel a été envoyé à six personnes, intervenant dans le cadre de la préparation d’un colloque, en tant que représentantes des associations de psychanalyse dont elles étaient membres. Elles étaient donc liées entre elles par une communauté d’intérêts exclusive de la notion de public inconnu et imprévisible.

Les propos poursuivis ne revêtaient donc pas un caractère public.

  • Sur la confidentialité des propos :

La cour énonce que les expressions diffamatoires contenues dans une correspondance personnelle et privée, telle qu’une lettre ou un courrier électronique adressé à un nombre limité de personnes déterminées, et visant une personne autre que les destinataires ne sont punissables que s’il est établi que l’envoi a été fait dans des conditions exclusives de tout caractère confidentiel.

En l’espèce, pour la cour, la cour d'appel retient que c’est à juste titre que le tribunal correctionnel a jugé que le courriel litigieux a revêtu les formes d’une correspondance personnelle et privée, et qu’il n’a perdu son caractère confidentiel que par le fait d’un de ses destinataires, qui a décidé de le transmettre à la partie civile. Même si le prévenu n’a pas spécifié explicitement que son courriel était confidentiel, il n’est pas établi que celui-ci ait voulu que son message soit porté à la connaissance de tiers et de la partie civile en particulier. En conséquence, le prévenu n’a pas commis de faute fondée sur la diffamation. Le jugement est confirmé.

 

Cour d'appel, Paris, (pôle 2 - ch. 7), 23 mars 2022, Robert L. c/ Gérard P.