DROITS D’AUTEUR : LE DOIGT D’HONNEUR D’ERIC ZEMMOUR

03/12/2021
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Il est midi ce mardi 30 novembre lorsque le polémiste Eric Zemmour s’est officiellement mue en candidat à l’élection présidentielle à grand renfort d’un clip de campagne d’une dizaine de minutes contenant plusieurs séquences d’illustration tirées de films ou de reportages ainsi que des images de personnalités publiques, et ce, à entendre la bronca collective, sans aucune autorisation ni accord. 

Droits d’auteur : une propriété privée immatérielle.

Qu’il s’agisse d’images d’un film, d’un documentaire ou d’un reportage de télévision, celles-ci sont sujettes à des droits d’auteur qui peuvent appartenir à un individu, à une société de production, à une chaine de télévision, etc… Chaque œuvre de l’esprit, chaque création, est la propriété de quelqu’un.

Selon la législation sur les droits d’auteur, il est interdit d’utiliser, d’exploiter, de diffuser, de reproduire sans autorisation ni accord des images dont autrui est propriétaire. 

Les droits d’auteur peuvent être cédés à condition que cette cession soit précise quant à l’objectif, la durée de la cession, le territoire d’exploitation et le support utilisé. A défaut d’un tel accord, l’exploitation non autorisée sera qualifiée de contrefaçon pouvant entrainer des poursuites judiciaires et des condamnations à des dommages-intérêts. 

Quand on incorpore une œuvre dans une autre œuvre (la vidéo d’annonce de candidature d’Eric Zemmour étant considérée, juridiquement à tout le moins, comme une œuvre), il est toujours nécessaire d’obtenir l’autorisation au préalable de l’auteur ou de ses ayants droits. Il n’existe aucune exception au nom de la liberté d’expression.

La courte citation : une exception aux droits d’auteur.

Les droits d’auteur ne sont pas absolus et il existe des exceptions qui permettent d’utiliser une œuvre sans autorisation du ou des ayants droits. 

Le ou les auteurs d’une œuvre ne peuvent ainsi pas s’opposer à la reproduction de leur œuvre, notamment, lorsque qu’il s’agit de ce que l’on nomme « une courte citation » (art. L.122-5 du code de la propriété intellectuelle). 

Cette exception de courte citation doit répondre à plusieurs exigences pour s’appliquer :

  • la brièveté de la citation de l’œuvre ;
  • une citation justifiée par l’existence d’une critique, du caractère polémique, ou pédagogique, ou scientifique, ou par une nécessité d’information ;
  • ne pas porter atteinte au droit moral de l’auteur de l’œuvre citée.

Le clip de candidature à l’élection présidentielle au montage sur-coupé d’Eric Zemmour répond-il à ses exigences ?

Quant à la condition de brièveté de la citation, il apparaît que le montage vidéo en cause incorpore plusieurs extraits de films, documentaires ou reportages. Ces extraits ne durent pas plus d’une à deux secondes. Considérant que les œuvres dont sont tirées ces images peuvent durer plusieurs dizaines de minutes voir plusieurs heures pour les films, l’extraction de une à deux secondes répond à la première condition de brièveté.

 

Concernant la deuxième condition pour que l’exception de courte citation puisse jouer, celle-ci peut être l’objet de débats. En effet, la vidéo de candidature d’Eric Zemmour et les images « empruntées » visent à illustrer des propos qui critiquent essentiellement la politique gouvernementale actuelle et l’état du pays. Habitué des polémiques à répétition sur le sujet, il pourrait être argué que l’utilisation de micro séquences de films ou reportages par Eric Zemmour pour illustrer son discours participe d’une critique globale de la société. 

A l’inverse, il pourrait être soulevé que l’utilisation des séquences de films ou de reportages porte atteinte au droit au respect des œuvres originelles (droit moral) des différents auteurs ou ayants droits, considérant que les propos dans lesquels ces courtes séquences s’inscrivent dénaturent le message initial des auteurs. 

La troisième condition pour invoquer l’exception de courte citation tient au respect du droit moral du ou des auteurs ou de leurs ayants droits de l’œuvre citée. Le droit moral se compose, entre autres, du droit à la paternité qui permet à l’auteur ou ses ayants droits d’exiger et de revendiquer la mention de son nom et de ses qualités sur la publication de son œuvre (art. 121-1 du code de la propriété intellectuelle). Or, à aucun moment du montage de la déclaration de candidature d’Eric Zemmour, les noms des auteurs des images des films, documentaires ou reportages ne sont mentionnés. 

Les droits que l’on détient sur son image.

Sur le fondement de l’article 9 du code civil, toute personne, qu’elle soit connue ou inconnue, qu’elle exerce des fonctions publiques ou non, détient des droits sur son image, composante de la personnalité d’un individu. Ainsi, chacun peut s’opposer à la publication de son image et fixer les limites de ce qui peut être publié ou non et les conditions dans lesquelles ces publications peuvent intervenir. Chacun d’entre nous peut également céder à autrui les droits qu’il détient sur image, et ce pour une utilisation ciblée. 

Utiliser l’image d’une personne sans son autorisation, peu importe que cette image ait été captée et diffusée auparavant, notamment dans une vidéo à caractère politique, lui porte nécessairement atteinte et ouvre droit à réparation. 

Quoi qu'il en soit, les ayants droits dont les oeuvres ont été utilisées dans la vidéo de candidature d'Eric Zeemour et les personnalités qui y apparaissent ont d'ores et déjà annoncé et enclenché une réponse judiciaire qui ne manquera pas de susciter des débats juridiques sur ces questions.